Allaitement

Mon intérêt pour tout ce qui tourne autour des bébés (grossesse, accouchement, allaitement, maternage…) date d’avant mon premier enfant, né en 1976.

J’étais allée voir le film de Frédérick Leboyer Pour une naissance sans violence quand il est sorti en 1974, alors que je n’étais même pas encore enceinte. Je connaissais l’existence de La Leche League (LLL), qui était assez embryonnaire à ce moment-là, mais je n’avais pas éprouvé le besoin de la contacter.
Et je ne sais pas pourquoi, alors que mon premier s’était sevré et que je n’étais pas encore enceinte du deuxième, je suis allée à une réunion LLL.
Je me suis rendu compte que si moi je n’avais pas eu de problème pour allaiter, il y avait beaucoup de femmes pour qui c’était difficile, et qu’une aide comme celle que pouvait apporter LLL était précieuse.

J’ai continué à aller aux réunions, j’ai eu deux autres enfants que j’ai allaités, je suis devenue animatrice de La Leche League en 1986, puis je me suis investie de plus en plus dans l’association puisque j’en suis devenue la présidente de 1989 à 1997.

En 1991, j’ai commencé à m’occuper de la revue de l’association, Allaiter aujourd’hui. Je m’en occupe encore actuellement, ainsi que du site web (www.lllfrance.org).
À partir de 1999, j’ai commencé à publier de petits livres autour des sujets du maternage et de l’allaitement.

L’allaitement suppose, au moins les premiers temps, que la mère reste très proche de son bébé et lui donne le sein sans compter, sans mesurer, sans regarder l’heure.

Certain·es y verront un « esclavage », mais en fait, il est beaucoup plus facile et moins fatigant de lâcher prise que d’essayer de tout contrôler.

Sans oublier que la tétée est un formidable outil de maternage, pour peu qu’on dépasse la vision qu’on en a encore souvent chez nous, à savoir une vision limitée à la nutrition et calquée sur les biberons.

En fait, un bébé peut téter pour tout un tas de raisons, toutes valables : s’apaiser, se rassurer, soulager des coliques, s’endormir… À chaque fois, ce sont des pleurs en moins pour le bébé, et du stress en moins pour les parents.

Après le séjour à la maternité, on rentre à la maison.
On se retrouve un peu seule, et souvent un peu débordée par les émotions, les soins du bébé, les suites de l’accouchement.
C’est une période où l’on a besoin de soutien +++.
On est soi-même convalescente d’ailleurs.

Alors si on peut ne pas avoir à faire autre chose que d’être avec le bébé, c’est l’idéal. Si on vous le propose, acceptez de vous faire aider !
Quelqu’un vous dit « J’apporte le déjeuner ? », répondez« Ouiii ! ».
Et si on ne vous le propose pas, demandez-le !
Comme cadeau de naissance, une heure de ménage, c’est mieux qu’une énième peluche…
Profitez du congé paternité du papa : on n’est pas trop de deux pour s’occuper d’un bébé.

Et si l’allaitement ne démarre pas super bien, sachez vous faire aider par les bonnes personnes (bénévoles des associations de soutien comme LLL, consultantes en lactation, professionnels de santé formés) sans attendre.

Allaiter ne devrait pas faire mal ; si c’est le cas, il faut trouver la cause et y remédier.

Dans les premiers temps, ce sont essentiellement des problèmes de douleurs de mamelons, voire de crevasses, presque toujours dues à une mauvaise prise du sein en bouche par le bébé.

Il y a aussi les problèmes de prise de poids, réels ou supposés. Et ce tout au long de l’allaitement.

Enfin, toutes les pathologies du sein lactant, engorgements, mastites, abcès (pour les distinguer et voir comment on peut passer de l’une à l’autre, un article du site LLL : https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/autres-textes-lll/2357-pathologies-du-sein-lactant).

Mais l’important à savoir, c’est que pratiquement toutes ces difficultés, pour peu qu’on ait accès aux bonnes informations et à du soutien, peuvent être surmontées.

Il y a quelques années, on m’a demandé les 5 choses que j’aimerais dire sur l’allaitement. Je vous les mets ici, car je suis toujours d’accord avec elles !

1. Si l’on vous dit que « vous ne pouvez pas allaiter parce que… », » vous devez arrêter d’allaiter parce que… », sachez que, dans presque tous les cas, c’est faux.
On peut allaiter après une césarienne. On peut allaiter des jumeaux. On peut allaiter si on a la fièvre. On peut allaiter en prenant la majorité des médicaments présents sur le marché. On peut allaiter quand on souffre de la plupart des maladies aiguës et chroniques, etc.
Une seule chose à faire : en cas de problème, en cas de doute, contactez des personnes formées en allaitement, consultez des sites fiables comme celui de La Leche League France.

2. L’allaitement, ce n’est pas obligatoirement du tout ou rien.
Si, pour une raison ou une autre, vous ne pouvez pas ou ne voulez pas faire un allaitement exclusif, sachez que toute dose de lait maternel, toute dose de tétées, est bonne à prendre. Même chose pour la durée : un peu d’allaitement vaut mieux que pas d’allaitement du tout !

3. La situation de l’allaitement chez nous fait que, bien souvent, c’est un vrai parcours du combattant, alors que ça ne devrait pas l’être.
Il faut se battre pour obtenir les bonnes informations, il faut aller chercher le soutien là où il se trouve. Pensez à vous entourer d’un réseau de soutien efficace, à vous adresser aux bonnes personnes (voir plus haut), à côtoyer d’autres mères allaitantes.

4. Soyez fière de ce que vous aurez accompli, et ne culpabilisez pas si ce n’est pas à la hauteur de ce que vous espériez.
Vous pouvez être triste de ne pas avoir réussi à allaiter comme vous le vouliez, le temps que vous vouliez, mais ce n’est pas de votre faute !

5. Allaiter ne nécessite pas de mener une vie monacale, cloîtrée chez soi avec son bébé.
N’hésitez pas à sortir, à voir des ami·e·s, à aller au restaurant, en balade, …
On peut faire plein de choses avec un bébé allaité. Pas besoin d’une grande logistique. Avec un bébé allaité et porté, nul besoin de se transformer en déménageurs : bébé dans le porte-bébé, une couche dans la poche, et le tour est joué !

J’ai toujours trouvé étonnant que des femmes disent ne pas vouloir allaiter parce qu’elles veulent que le père ne sente pas « exclu » ou parce que le père lui-même veut pouvoir participer à part égale aux soins de l’enfant.

Il y a tant d’autres choses que le nourrissage à faire avec un bébé, et qui peuvent créer un lien aussi fort que l’allaitement : changes, bains, promenades, jeux, massages, portage, bercement, endormissement, sommeil partagé, diversification alimentaire quand le moment sera venu, etc.

Sans oublier qu’en cas d’allaitement, le père a un autre rôle important à jouer : protéger la mère et le bébé « contre tout ce qui tend à s’immiscer dans le lien existant entre eux, ce lien qui constitue l’essence et la nature même des soins maternels » (Winnicott, L’Enfant et sa famille).

Cela dit, dans les couples de femmes, il arrive que celle qui n’a pas porté l’enfant souhaite elle aussi allaiter, et qu’elle y arrive grâce à une lactation induite (voir le dossier sur le site LLL https://www.lllfrance.org/vous-informer/votre-allaitement/situations-particulieres/1393-relactation-et-lactation-induite).

Bien sûr, les débuts sont importants. Mais attention, si ça ne démarre pas bien, cela ne veut pas dire que c’est foutu !

Pour bien démarrer, je trouve que l’approche BN (ou « allaitement instinctif ») que propose Suzanne Colson est la meilleure : la mère juste un peu inclinée en arrière, son corps calé confortablement, le bébé sur elle, « à la bonne adresse », qui peut téter quand il veut (même endormi !).

Les pics de croissance, qu’on n’appelle plus comme ça car il n’est pas du tout sûr qu’ils correspondent à une croissance du bébé, sont des « jours de pointe » où le bébé se met à vouloir téter +++.
Et en effet, si l’on n’est pas au courant que ce sont des phases normales, on peut croire qu’on n’a soudain plus assez de lait et commencer à compléter avec du lait industriel. Alors qu’il suffit de laisser le bébé téter vraiment à « sa demande » pour que les choses rentrent dans l’ordre en 2-3 jours.

Quant à la reprise du travail, là aussi, une bonne information sur ce qu’il est possible de faire (allaiter dès qu’on est avec le bébé, et pas seulement « matin et soir », éventuellement aller allaiter pendant la journée de travail, et si c’est possible, tirer son lait pour qu’il soit donné au bébé) permet généralement de poursuivre l’allaitement sans problème (voir le dossier sur le site LLL https://www.lllfrance.org/vous-informer/votre-allaitement/l-allaitement-au-fil-du-temps/1229-travail-et-allaitement).

Comme je l’ai dit, même si au début les seins peuvent être sensibles, avoir mal au point de serrer les dents, au point d’appréhender la prochaine tétée, ce n’est pas normal.

Il est alors urgent de chercher de l’information et de l’aide pour trouver la cause de ces douleurs et y remédier (bénévoles des associations de soutien comme LLL, consultantes en lactation, professionnels de santé formés).

Tout dépend de l’âge de l’enfant.
S’absenter un ou deux jours quand le bébé a 10 mois, est diversifié, ce n’est pas la même chose que le faire avec un bébé de 1 mois dont l’allaitement ne « roule » pas encore parfaitement.

D’autres points sont à considérer. Il peut être important de tirer son lait pendant son absence, à la fois pour entretenir la lactation et pour éviter de se retrouver avec des seins engorgés.

La personne qui garde l’enfant devrait lui donner le lait (que ce soit du lait tiré par la mère ou du lait infantile) autrement qu’au biberon, car cela pourrait perturber la succion au sein du bébé. Cela peut être à la cuillère, à la pipette, à la seringue à médicaments, au gobelet… (voir le dossier sur le site LLL : https://www.lllfrance.org/vous-informer/votre-allaitement/situations-particulieres/925-donner-son-lait-autrement-quau-sein).

Enfin, il peut en effet arriver que certains bébés refusent de reprendre le sein après une interruption, mais c’est vraiment rare.

Chez nous en effet, beaucoup d’allaitements s’arrêtent alors qu’ils viennent à peine de commencer : parce que la mère a mal aux mamelons, a des crevasses, parce que le bébé ne tète pas bien ou ne tète pas du tout, parce qu’il ne prend pas de poids, etc.

Comme on l’a dit, la plupart de ces problèmes de démarrage sont dus à un manque d’informations correctes et de soutien adéquat.
Si la mère ne cherche pas ou ne trouve pas ces informations et ce soutien, elle va le plus souvent arrêter l’allaitement dans les jours qui suivent son retour de la maternité.

Les sentiments à ce moment-là, seront généralement un mélange de sentiment d’échec (« je n’y suis pas arrivée »), de culpabilité (car l’information selon laquelle le lait maternel est ce qu’il y a de mieux pour le bébé est maintenant largement répandue), de dévalorisation (« mon corps n’est pas capable », encore accentué si l’accouchement lui aussi n’a pas été à la hauteur de ses espérances), mais en même temps peut-être aussi de soulagement à l’idée de ne plus avoir à batailler avec la douleur ou un bébé non coopératif (« quand je suis passée au biberon, ça a été beaucoup mieux »).

Si la mère ne prend pas conscience que les choses auraient pu se passer autrement avec de l’information et du soutien, elle va penser que l’allaitement n’est « pas pour elle », et elle n’essaiera même pas d’allaiter les enfants suivants.

D’autres s’en rendront compte mais, voulant faire « tout pareil » pour tous leurs enfants, renonceront aussi à l’allaitement.

D’autres enfin, avec de l’information et du soutien, réussiront à allaiter.
Vivant alors de l’intérieur la différence entre le biberon et le sein, elles auront peut-être le regret de ne pas avoir réussi pour l’aîné. Mais le regret, ce n’est pas la culpabilité : elles ont fait avec ce qu’elles avaient à l’époque, et ce n’est pas leur faute si on ne leur a pas fourni ce qu’il fallait pour réussir.

Le vécu émotionnel, que ce soit celui du bébé ou celui de la mère, sera bien différent selon qu’il s’agira d’un sevrage précoce, brutal et subi, ou du sevrage « naturel » d’un bambin, qui se fait de façon tellement progressive qu’on a parfois du mal à identifier la « dernière tétée ».

Dans tous les cas, être soutenue, pouvoir parler à d’autres mères dans (ou ayant vécu) la même situation, pourra faire la différence.

Voici quelques pages qui peuvent aider :
https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/autres-textes-lll/1709-sevrage-du-sein-dun-enfant-de-moins-de-6-mois-mode-demploi,
https://www.claude-didierjean-jouveau.fr/2019/06/16/si-lon-veut-sevrer-un-relativement-grand/
– le dossier du site LLL : https://www.lllfrance.org/vous-informer/votre-allaitement/l-allaitement-au-fil-du-temps/1387-le-sevrage

La Leche League est née il y a près de 70 ans et est présente en France depuis 50 ans.
Son objectif est d’accompagner tous les allaitements sans les juger, donner confiance et transmettre des informations adaptées à chaque situation.
La Leche League s’engage à accompagner toute personne, quelles que soient ses origines, sa religion, son sexe, son âge, sa situation familiale, ses facultés physiques ou mentales, sa catégorie socio-économique, ses opinions politiques, son identité de genre, son orientation sexuelle, ou toutes autres caractéristiques pouvant faire l’objet de discriminations.

Sa mission est d’aider toutes les mères qui le souhaitent à mener à bien leur projet d’allaitement, quel qu’il soit, grâce aux informations et au soutien qu’elle offre par le biais de ses réunions, de son soutien par mail et par téléphone, de son forum, de son groupe Facebook (plus de 100 000 membres aujourd’hui), de son site (www.lllfrance.org), de ses congrès (le prochain aura lieu les 15 et 16 novembre à Dourdan, voir les informations sur le site) et de ses publications (Allaiter aujourd’hui et Les Dossiers de l’allaitement).

Ces dernières années, il est paru énormément d’ouvrages sur l’allaitement, presque tous plutôt corrects pour ce qui est des informations données. Je ne vais donc pas les citer tous, sauf peut-être le petit livre de Suzanne et Joëlle Colson, Pour un allaitement heureux, qui résume bien l’approche BN.
Et bien sûr la « bible » de LLL, L’art de l’allaitement maternel.

Je me permets aussi de faire un peu de publicité pour mes petits livres, car ils sont pas chers, faciles à lire et donnent des arguments « evidence based » pour les parents qui se posent et à qui on pose des questions en rapport avec les pratiques de « maternage proximal ».
Voir leur liste ici :
https://www.claude-didierjean-jouveau.fr/livres-allaitement-maternage-naissance-parentalite-avancee-en-age/

Pour ce qui est des podcasts, j’en citerai deux :
– Milkshaker (https://milkshaker.fr/)
– BooB BooB (https://open.spotify.com/show/6Bs4H6fHGm7h9TOjlYgxcu)

Les associations de soutien à l’allaitement sont presque toutes adhérentes à la CoFAM (https://www.cofam-allaitement.org/) et on doit pouvoir trouver leurs coordonnées par son intermédiaire (ou par la carte de VanillaMilk : https://vanillamilk.fr/map.php).

À commencer bien sûr par LLL France et son incontournable site (www.lllfrance.org).

Et n’oublions pas tous les groupes Facebook, les comptes Instagram, LinkedIn, Tik Tok…, qui peuvent s’intéresser à des problématiques particulières (par exemple le tire-allaitement) et être d’un bon soutien.

Claude Didierjean-Jouveau
www.claude-didierjean-jouveau.fr