
Atelier d’écriture
Écrire tout haut ce qu’on vit tout bas
Bonjour Macha,
Peux-tu te présenter et nous raconter comment est née ton envie de proposer des ateliers d’écriture autour de la maternité ?
Je m’appelle Macha, je suis maman de deux enfants, je suis enseignante en arts et actuellement en formation pour devenir doula.
Dans le cadre de mon parcours de doula, où l’on propose des espaces aux femmes pour déposer ce qu’elles ont à dire autour de la maternité ou d’autres moments importants de leur vie, j’ai eu envie de leur permettre de déposer ces mots à l’écrit. Les ateliers d’écriture sont nés comme ça, pour offrir aux femmes des espaces pour déposer à l’écrit, pour garder une trace, et pour fixer leurs mots de maternité.
Qu’est-ce qui t’a amenée à considérer l’écriture comme un outil thérapeutique ou d’accompagnement émotionnel ?
Il y a plusieurs années, lorsque j’étais étudiante, j’ai eu l’occasion d’animer des ateliers d’écriture et j’ai ressenti la puissance des mots. Avec mon parcours littéraire et artistique, les mots ont toujours eu une place particulière pour moi.
Le lien avec l’accompagnement émotionnel des moments de maternité a été assez évident quand j’ai été moi-même enceinte pour la première fois : j’ai en effet ressenti le besoin de tenir un journal de bord pendant ma grossesse, pour tout noter, ne rien oublier.
A la naissance de ma fille, c’était important pour moi d’écrire mon récit d’accouchement et, quand j’allaitais, je voulais aussi fixer tous ces moments, que je voyais si éphémères.
Comment se déroule concrètement un atelier d’écriture ? (durée, rythme, déroulé, ambiance…)
De manière générale, chaque atelier d’écriture dure environ 1h30. Ils ont lieu en visio, le soir en semaine, une fois les enfants couchés, quand chaque femme récupère son espace à elle, sa « chambre à soi », dans le cocon de chez elle.
Tout au long de l’atelier, je fais en sorte de permettre aux femmes de retrouver leur mémoire sensorielle, de libérer leurs mots, même pour les femmes qui n’ont pas du tout l’habitude d’écrire. Je propose des extraits d’autrices, patrimoniales ou contemporaines, qui ont écrit sur la thématique de la maternité. Je guide l’écriture avec des incitations, des pistes d’écriture, des rituels, pour proposer deux ou trois temps d’écriture pendant l’atelier. Et j’offre la possibilité à chaque participante de lire son texte, si elle le souhaite.
Chaque atelier se déroule en très petit comité, les places sont limitées, pour garantir une ambiance intimiste, et permettre à chacune de se sentir en sécurité pour écrire sur ces sujets si intimes et partager en se sentant en confiance.
Tu nous a évoqué l’idée d’“écrire tout haut ce qu’on vit tout bas”. Que signifie cette phrase pour toi, et comment résonne-t-elle dans tes ateliers ?
Même si la parole autour des sujets de maternité tend à se libérer, cela reste encore assez tabou dans notre société. La plupart du temps, les moments marquants de maternité restent dans l’intimité du foyer, dans cet espace privé qui se vit « tout bas », dont on ne parle pas.
La société a encore du mal à reconnaitre toute la puissance émotionnelle qui se joue lors d’une grossesse, d’un accouchement, ou d’un allaitement par exemple, alors que ce sont des moments où la majorité des femmes se sentent à la fois si fortes et si vulnérables.
Mon souhait était ainsi d’offrir un espace pour « écrire tout haut », sortir les mots, et les partager entre femmes. La plupart du temps, les femmes arrivent en ayant l’impression de se sentir assez seules dans leurs sentiments de maternité, et repartent de l’atelier en se sentant connectées à toutes ces autres femmes, qui vivent et ressentent la même chose qu’elle. C’est un peu pour moi une forme de définition de la sororité.
Quelles sont les thématiques que tu explores avec les participantes, et comment choisis-tu les propositions d’écriture ?
Au travers de mes ateliers, j’essaie d’explorer les thématiques qui jalonnent les différents espaces de la maternité : le désir d’enfant, les parcours de conception, la grossesse, l’accouchement, le postpartum, l’allaitement, l’ambivalence émotionnelle… Chaque atelier a donc une teinte particulière, et j’oriente les extraits lus et les propositions d’écriture en fonction.
Ces propositions me viennent de par mes lectures, de par des situations que je rencontre, de par des jeux d’écriture… c’est assez varié d’un atelier à un autre.
Ces ateliers accueillent des vécus très variés — des expériences lumineuses comme plus difficiles. Comment parviens-tu à créer un espace sécurisant et bienveillant pour toutes ?
Mon objectif est que chaque atelier soit pensé comme une bulle où les participantes se sentent dans les meilleures conditions. La bienveillance, le non-jugement, la non-obligation sont des éléments que je présente en introduction de chaque atelier.
Chacune est là par choix, s’est offert ce moment pour elle, il est donc essentiel qu’elle soit à l’aise et passe un bon moment. Le nombre limité de participantes, l’accueil inconditionnel de chaque partage, et les retours sur le texte, et non pas sur le vécu, permettent de créer ce climat sécurisant.
Quels effets observes-tu chez les participantes après une séance ou un cycle d’ateliers ?
Les larmes ! A chaque atelier, de manière presque systématique, il y a des larmes : des larmes cathartiques presque, de celles qui nettoient et font du bien.
Il y a en effet une approche particulière dans le fait d’écrire, puis de lire à voix haute les mots que l’on a écrit : comme si les entendre nous faisait prendre une sorte de recul sur nous-même, un miroir des mots, et bien souvent l’émotion arrive sans qu’on s’y attende. A la fin de chaque séance, un climat de puissance et de sororité se lit sur tous les visages, remplis de sourire, où chacune se remercie, c’est toujours assez fort comme moment.
La plupart du temps, alors même que certaines démarrent l’atelier « sans trop savoir ce qu’elles font là », ou « en étant pas à l’aise avec l’écriture »… elles me contactent rapidement après pour se réinscrire à un autre atelier ! C’est que quelque chose s’est libéré, et c’est le plus grand bien que je peux leur souhaiter.
En quoi l’écriture peut-elle accompagner la grossesse ou le post-partum différemment d’autres approches comme la parole ou la thérapie verbale classique ?
L’écriture possède une forme de puissance cathartique où les mots sont pensés, posés, déposés.
On est dans une autre temporalité quand on écrit, par rapport à quand on parle.
On réfléchit, on se relit, on laisse venir les mots qui surgissent et nous surprennent parfois, on s’attarde sur leur musicalité.
On explore en quelque sorte notre intimité profonde, on fait surgir des éléments de notre mémoire corporelle, sensorielle.
Et le fait de partager ces mots en atelier permet ensuite de les faire remonter dans notre présent, c’est là d’ailleurs où souvent l’émotion peut être assez puissante, car on se reconnecte en quelque sorte à cette mémoire du vécu. Pendant la grossesse, l’écriture peut aussi permettre une forme de connexion avec le bébé, un lien particulier qui s’écrit. En postpartum, l’écriture accompagne la prise de conscience de tous les changements, de la nouvelle personne qui est née en tant que mère, en lui offrant une véritable place.
Tu proposes aussi des ateliers en présentiel dans des lieux “bébé friendly”.
Que t’apporte cette dimension collective et concrète, en dehors de la visio ?
Les ateliers en présentiel que j’organise, autour d’une boisson chaude, avec les bébés, sont des moments de partage entre mères et/ou futures mères : des moments pour se rencontrer, pour échanger, partager, créer du lien.
Le déroulé de l’atelier est au final assez similaire, mais offre une occasion aux mamans en congé maternité de sortir de chez elles, de rompre l’isolement de la grossesse ou du postpartum. Et les partages de textes sont souvent encore plus forts, car l’émotion est physique, palpable.
Je propose aussi des ateliers d’écriture individuelles ou en couple, pour écrire des récits de grossesse ou des récits de naissance par exemple, en présentiel : là aussi, lors de ces séances en présentiel qui sont des moments particulièrement privilégiées pour la mère ou le couple, l’émotion du réel est encore plus forte.
Et pour terminer, as-tu un conseil ou un petit rituel d’écriture à partager à celles qui aimeraient se (re)mettre à écrire, seules, chez elles ?
Se lancer !
Sur un bout de papier, sur une note de son téléphone, peu importe, l’idée est de démarrer, et le reste des mots arrive ensuite rapidement. On a souvent peur de « mal écrire », mais quand les mots sont sincères, ils sont puissants, et c’est de là dont vient la beauté.
Un rituel d’écriture assez intéressant à pratiquer est la liste : une liste en lien avec la thématique qui nous travaille en ce moment, et à partir de cette liste, on essaie de construire des phrases. Le plus difficile quand on est jeune maman, c’est de trouver le temps… c’est tout l’intérêt des ateliers, de pouvoir s’offrir un « espace à soi » dans un quotidien qui file si vite !
Merci pour cette belle plongée dans l’univers de l’écriture et tes mots sensibles sur la puissance du récit dans le parcours de maternité. Puissent tes ateliers inspirer d’autres femmes à écrire tout haut ce qu’elles vivent tout bas.
À bientôt Macha !
À bientôt, merci beaucoup !
